lundi 26 janvier 2015

Bukowski poète, le corps

le corps

je traîne
ici
sans tête
depuis si longtemps
que mon corps a oublié
pourquoi
où et quand ça
s’est passé.

les orteils
se baladent dans des souliers
qui s’en
tapent.

et bien que
les doigts
tranchent des choses et
tiennent des choses et
bougent des choses et
touchent
des choses
telles que
oranges
pommes
oignons
livres
corps
je ne suis plus
raisonnablement sûr
de ce que sont ces
choses

elles sont grosso modo
comme
lumière de lampe et
brouillard

puis souvent les mains se
portent à la
tête perdue
et tiennent la tête
comme les mains d’un
enfant
autour d’un ballon
un bloc
air et bois –
pas de dents
pas de partie pensante

et quand une fenêtre
s’ouvre en grand
sur une
église
colline
femme
un chien
ou quelque chose qui chante

les doigts de la main
sont insensibles à la vibration
car ils n’ont pas
d’oreilles
insensibles à la couleur parce
qu’ils n’ont pas
d’yeux
insensibles à l’odeur
privés de nez

le pays passe comme
non-sens
les continents

les lumières du jour et les soirées
brillent
sur mes ongles
sales

et dans une glace
mon visage
un bloc à disparaître
partie éraflée d’un ballon
d’enfant

pendant que partout
bouge
vers de terre et avions
incendies sur la terre
hautes violettes de sainteté
mes mains lâchent prise lâchent prise
lâchent prise



Copyright Yves Sarda pour la traduction française 

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